Les villes éponges, une révolution urbaine contre les inondations ?
- Jérémie Proulx
- Mar 17
- 4 min read

Écrit par : Jérémie Proulx
Édité par : Mya Ouassini Maamri
Au cours des dernières années, les pluies se font plus intenses et les inondations, d’autant plus graves. Ce phénomène est largement attribué aux changements climatiques. La hausse des températures mondiales réchauffe l’air, augmentant sa capacité à contenir de la vapeur d’eau, d’où l’augmentation des précipitations à l’échelle internationale. Parallèlement, l’élévation du niveau de la mer, attribuable à la fonte des glaciers et au réchauffement des océans, place les villes côtières dans une situation toujours plus vulnérable. Si cette augmentation des précipitations peut sembler bénéfique pour certains secteurs, comme l’agriculture ou la production d’hydroélectricité, elle présente aussi des risques.
En effet, la grande majorité des villes, largement construites à partir de béton, sont vulnérables aux inondations lors des événements de précipitations intenses. Cette problématique découle de la faible capacité du béton conventionnel à absorber l’eau. De plus, celle-ci n’est pas le seul problème du béton conventionnel: il cause des problèmes respiratoires liés à la poussière du ciment, des îlots de chaleur, de l’érosion du sol ou encore une réduction de la biodiversité en milieu urbain. Il convient donc de s’interroger sur le matériau le plus adapté pour remplacer le béton. Parmi les alternatives envisagées, la végétation apparaît comme une solution prometteuse.
Remontons 150 ans dans le passé afin de mieux comprendre l’évolution du mouvement lié à la végétation urbaine. Dans les années 1870, l'éminent médecin new-yorkais Stephen Smith a mené un mouvement visant à planter davantage d'arbres (Dümpelmann, 2019). Selon Smith, cet ajout sauverait de nombreuses vies, en particulier durant cette période où les épidémies de choléra se faisaient nombreuses et les remèdes, rares.
Au fil des années, la végétation en milieu urbain s’est multipliée. Toutefois, elle restait considérée comme un ajout au béton, telle une décoration qui avait quelques petits avantages. Cependant, le professeur Kongjian Yu, de l’Université de Pékin, avait une tout autre vision de la végétation urbaine : selon lui, elle devrait permettre aux villes d’absorber les eaux de pluie au lieu de les canaliser (Geo, 2024). C’est de cette idée que le concept de ville éponge est né, une solution qui fut acceptée pour la toute première fois par le gouvernement chinois en 2013 suite à la proposition de Yu (Kaldor, 2024).
L’idée de transformer les villes en des sortes d’éponges repose sur les qualités de la végétation en matière d’absorption et de purification de l’eau. Selon Sophie Duchesne, professeure spécialisée en gestion de l’eau, « la solution consiste à tout mettre en œuvre pour que les sols absorbent la pluie là où elle tombe, et non à l’envoyer vers l’égout » (Fortier, 2024). Cette vision contraste concrètement avec celle du génie urbain traditionnel qui repose sur un système de ruissellement et d’égouts. Le problème principal de cette façon de faire est son inefficacité lors des événements de pluies extrêmes qui peuvent faire déborder le système de conduits souterrains. Alors que la solution habituellement envisagée s’agit de l’agrandissement de ce même système, plusieurs experts, dont Yu et Duchesne, sont convaincus que l’ajout de végétation en milieu urbain est une méthode bien plus adaptée à ces pluies intenses, qui se font d'autant plus fréquentes avec les changements climatiques.
Mais qu’est-ce qui compose les villes éponges? En effet, il s’agit de plus que de la simple végétation urbaine et de banals parcs. Généralement, ces villes intègrent également des éléments tels que diverses surfaces perméables et des zones humides urbaines. Bon nombre de surfaces capables d’absorber, et même de filtrer, beaucoup d’eau peuvent être utilisées en milieu urbain. D’abord, le béton drainant, ou caverneux, permet l’infiltration de l’eau de pluie et ainsi une diminution de la quantité d’eau se retrouvant dans le système d’égouts. Ensuite, les toitures et murs végétalisés procurent les mêmes avantages que le béton drainant en plus de réduire la consommation d’énergie du bâtiment et d’augmenter la biodiversité des villes. Enfin, les parcs inondables sont des grandes surfaces gazonnées normalement situées aux points les plus bas de la ville, non seulement pour accueillir davantage d’eau par le phénomène de gravité, mais également pour que cette eau soit filtrée avant d’arriver dans un cours d’eau, par exemple une rivière ou un fleuve (Ste-Marie, 2024).
Pour leur part, les zones humides urbaines, telles que des bassins de rétention, permettent d’emmagasiner temporairement l’eau de pluie avant qu’elle ne soit rejetée à faible débit vers un cours d’eau. L’utilité de ces zones humides va au-delà de l’hydrologie : elle rafraîchit l’air des environs, permet une vie animale et végétale abondante au sein de la ville et améliore même la santé mentale et physique des citoyens. En effet, par leur capacité à filtrer les eaux polluées et par leur effet apaisant sur le stress des visiteurs, ces zones humides jouent un rôle clé dans le bien-être des communautés urbaines. (Ramsar, 2018)
Le meilleur dans tout cela, c'est que de nombreuses villes disposent déjà de plusieurs de ces infrastructures. Et, au cas où vous vous posiez la question, la ville de Montréal fait bel et bien partie de cette liste, avec en 2022, dix parcs éponges et près de 800 trottoirs éponges végétalisés. En outre, l’arrondissement de Ville-Marie a récemment fait l’annonce d’un projet de grande envergure qui vise à faire de la rue Larivière la première rue éponge de Montréal. Ce projet multifonctionnel a pour but de rendre simultanément possible « la gestion optimale des eaux pluviales, le verdissement, l'apaisement d'un secteur et les besoins récréatifs et culturels de celui- ci » (VoirVert, 2024). Après tout, Montréal s’affirme ainsi comme une ville proactive dans l’adaptation aux changements climatiques!
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References:
Dümpelmann, S. (2019). Trees in the City: Growing Green in Urban Landscapes. Yale University Press.
Fortier, F. (2024). « La gestion de l’eau en milieu urbain : vers des solutions durables ». Le Devoir.
Geo. (2024). « Qu’est-ce qu’une ville éponge et comment fonctionne-t-elle ? ». GEO Magazine.
Kaldor, N. (2024). Sponge Cities: Rethinking Urban Water Management in China. Oxford University Press.
Ramsar. (2018). « Zones humides urbaines : pourquoi sont-elles essentielles ? ». Convention de Ramsar sur les zones humides.
Ste-Marie, L. (2024). « L’avenir des infrastructures vertes en ville ». Urbanisme et Résilience.
VoirVert. (2024). « Ville-Marie amorce son premier projet de rue éponge à Montréal ». VoirVert Magazine.
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